DE LA LIANCE, A LA DELIANCE, A LA RELIANCE
Les transformations sociales et culturelles contemporaines exigent que nous réinterrogions les relations primaires qui nous lient au autres, aux choses, au monde. Nous avons, en effet, à reconnaître, au-delà et à travers les données des sciences contemporaines, l’impact et l’imprégnation de ressources, qui sont le propre d’une conscience humaine élaborée, et dont l’intuition est, sans doute, un des plus beaux fleurons, à côté de la raison et de l’imagination.
ENTRE LIANCE ET RELIANCE
La reliance est ce qui lie une personne aux éléments naturels, elle se fait aux divers composants de notre univers et y puise une dimension importante de notre identité. Cette reliance existe aussi comme pour nous rappeler que nous ne représentons qu’un infime fragment dans ce qui nous dépasse et représente la complexité de l’univers.
Sociologue de formation, Marcel Bolle de Bal précise encore le concept de reliance sociale, il la définit ainsi comme : « la création de liens entre des acteurs sociaux séparés, dont l’un au moins est une personne »[1].
Marcel Bolle de Bal part de la personne pour construire son concept de reliance. Mais, ce faisant, il est obligé d’en limiter les contours. Edgar Morin l’élargit au contraire et reconnaît une autre dimension : la reliance entre les idées et entre les choses, ce que Marcel Bolle de Bal accepte volontiers.
"Sur une minuscule planète perdue, faite d'un agrégat de détritus d'une étoile disparue, vouée apparemment aux convulsions, orages, éruptions, tremblements de terre, la vie est apparue comme une victoire inouïe des vertus de reliance...
Nous sommes à la pointe de la lutte pathétique de la reliance contre la séparation, la dispersion, la mort. En cela nous y avons développé la fraternité et l'amour.
Plus nous prenons conscience que nous sommes perdus dans l'univers et que nous sommes engagés dans une aventure inconnue, plus nous avons besoin d'être reliés à nos frères et soeurs en humanité.
L'éthique est, pour les individus autonomes et responsables, l'expression de l'impératif de reliance. Tout acte éthique, répétons-le, est en fait un acte de reliance, reliance avec autrui, reliance avec les siens, reliance avec la communauté, reliance avec l'humanité et, en dernière instance, insertion dans la reliance cosmique."[2]
L’homme, porté par l’instinct est poussé à rechercher cette reliance. Cette quête vers « les choses » de la vie serait un état, l’état qui fait que l’homme est relié malgré lui à ce qui l’entoure.
La reliance est donc par définition innée en tout à chacun, elle s’impose à nous et forme une connexion aux choses, à l’univers. Mais dans la reliance, n’y aurait-il pas une sorte de redondance ? Pourquoi avons-nous besoin de reliance, la liance ne serait-elle pas suffisante ?
Dans ce cas, la reliance n’est plus un état mais un acte.
Il y a donc bel et bien une rupture à un acte qui est décrit comme inné. A quel moment cette rupture s’est-elle manifestée ? Et pourquoi ?
Dans la continuité de la pensée, la rupture dans la liance donne naissance à une déliance. Immergé dans la liance depuis notre naissance comme à la poursuite d’un infini, puis voués à la déliance qui symbolise un épuisement ou une révolte, la rébellion peut être. Mais ce n’est que la moitié du chemin auquel nous sommes destinés, la reliance s’impose à nous comme un remède à un mal être ou une remise sur le droit chemin.
La reliance est une forme de résistance, un besoin de se raccrocher pour ne pas subir la finitude et de s’opposer à la mort. La résistance est traduite par la dissolution de l’identité personnelle dans une entité plus grande comme pour se réfugier ou demander une protection à une fin inévitable malgré lui.
Si un quelconque besoin de « Re-liance » se fait de plus en plus sentir au sein d’une société contemporaine avide d’appartenance mais au même moment de démarcation, c’est aussi pour combler un manque de compréhension ou une manière de se rebeller contre un système qui nous veut identiques, forgés dans des moules sociaux rigides. C’est alors que la division et la « Dé-liance » se font sentir. La dislocation en est une preuve réelle et au même moment une cause dans notre aire actuelle.
« …la reliance implique que l’on retrouve quelque chose de perdu, potentiellement présent. »[3]
Mains se dessinant, Escher
Une dualité de plus qui émerge : Reliance/Déliance. Un couple duel instable qui rend compte des enjeux fondamentaux contemporains. Ils existent l’un à travers l’autre donnant une signification aussi bien spatiale que temporelle ou encore affective.
En se basant sur la dislocation comme facteur contemporain de cette dualité, nous essaierons de matérialiser cette dualité en 2 cas de figures différents par leurs approches :
- Le pont
- La médina, précisément celle de Tunis.
Par Faten Guermazi
[1] M.Bolle de Bal, La reliance ou la médiatisation du lien social : la dimension sociologique d’un concept charnière, in Voyages au coeur des sciences humaines, T.1, éd. L’Harmattan, 1996, p.69
[3] MARCEL BOLLE DE BAL, citation d’EDGAR MORIN, Au-delà des concepts et des disciplines, dans « Voyages au cœur des sciences humaines de la reliance », éd. L’Harmattan, 1996, pp.323.